La protection des parcs nationaux en Afrique est un travail qui se déroule sous de nombreuses contraintes et souvent avec un personnel insuffisant. L’immensité du parc de la Salonga et son environnement physique, constitué en grande partie de forêts inondées, rendent la lutte contre le braconnage encore plus ardue.

Différents types de braconniers

Les braconniers actifs dans la Salonga se divisent en deux grandes catégories :

  • des braconniers locaux  originaires des villages alentours qui chassent principalement des petits mammifères pour la consommation familiale ou la vente locale
  • des braconniers extérieurs à la région qui opèrent avec des moyens importants tels qu’armes et munitions de guerre. Ils travaillent en réseaux organisés et disposent de soutiens puissants.

Le braconnage le plus destructeur est celui qui vise les éléphants pour leur ivoire.

 

Pour protéger le parc et lutter contre le braconnage, deux patrouilles d’éco-gardes sont organisées tous les mois au départ de chacune des six stations du parc. Chaque patrouille est composée de 15 gardes qui parcourent la zone sélectionnée du parc pendant 15 jours.

Bokele Loko Lolongo, un ancien garde aujourd’hui à la retraite nous livre ses souvenirs de l’époque où il était encore actif. Bokele a aujourd’hui 73 ans. Il avait été engagé comme éco-garde en 1971, soit une année après la création du parc national de la Salonga et il a pris sa retraite en 2011.

L'ancien garde-parc Bokele Loko Lolongo.

Apparition d’un nouveau braconnage

« Les braconniers que nous rencontrions pendant les années 70 étaient des villageois qui chassaient les animaux pour la simple consommation locale. C’est vers la fin des années 70 et le début des années 80 à peu près que sont apparus des braconniers munis d’armes de guerre, des fusils d’assaut FAL. Ce nouveau type de braconniers s’est mis à tuer les éléphants en masse».

Bokele évoque les techniques que lui et ses camarades employaient pour arrêter les braconniers : « Nous agissions surtout à la suite des renseignements obtenus auprès de la population et évitions d’utiliser la force. Ainsi on utilisait souvent la ruse pour amener les braconniers à baisser leur garde. »

A-t-il l’impression  que les animaux ont diminué en comparaison avec l’époque où il commençait en service, une quarantaine d’années plus tôt? Il est difficile pour lui de se faire une idée exacte : le parc est très grand et très dense. Mais il est certain d’une chose qu’il confie avec une certaine tristesse : « les éléphants ont été tués en grand nombre au cours des années 80 et 90. A Isolu par exemple, les braconniers munis d’armes de guerre pouvaient abattre jusqu’à 30 éléphants en une seule journée.»

Bien que Bokele admet que son âge est maintenant avancé (même si il est en relative bonne forme physique), il affirme que s’il était un peu plus jeune, il reprendrait volontiers du service. « J’ai çà dans le sang. Aujourd’hui je me contente de prodiguer des conseils aux plus jeunes sur le travail de garde-parc lorsqu’en j’en ai l’occasion. J’ai l’un de mes fils qui est enrôlé parmi les nouvelles unités des gardes parcs mais il n’est pas encore immatriculé. J’explique à mon fils qu’il faut arrêter sans brutalité, refuser la corruption, et traiter les braconniers appréhendés avec égards. Cependant lorsque vous  transportez par pirogue un braconnier que vous avez arrêté, il faut être prudent et le menotter sinon il peut tenter de faire chavirer la pirogue pour s’échapper à la nage ! ».

Gagner le coeur des communautés

L’ancien conservateur Bofenda Batumba Nkoy est un autre vétéran qui nous livre ses souvenirs. Bofenda a commencé sa carrière dans les parcs nationaux de la RDC en 1973. Après avoir travaillé dans les parcs de l’est du pays il est arrivé à la Salonga en 1990 où il est resté 13 ans jusqu’à sa retraite.

Il explique que la collaboration avec la population locale est primordiale dans la lutte contre le braconnage, car en effet c’est du milieu de la communauté que proviennent les braconniers. « Quand je suis arrivé à la Salonga, on entendait ici et là : Bofenda est celui qui nous interdit de manger de la viande et du poisson! Qu’allons-nous manger désormais ? Nous avons alors entrepris de gagner les cœurs des plus jeunes. Je leur expliquais que le parc pourrait susciter l’intérêt des touristes comme à l’est où j’avais longtemps travaillé. C’est un message que les jeunes expliquaient à leurs parents ».

Le travail était quelquefois dangereux, car à deux reprises il a essuyé des coups de feu  : « le braconnage des années 90 était exécuté par des hommes violents munis de fusils de guerre. Nous ne pouvions pas faire grand-chose avec nos armes plus modestes». Comme conséquence, le nombre d’éléphants plongea rapidement et brutalement et Salonga fut ajouté sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en péril.

Aujourd’hui retraité, Bofenda vit à Boende, le chef-lieu de la province de la Tshuapa, une centaine de kilomètres au nord du parc. Il a le sentiment du devoir rempli mais son souhait ardent est que le parc puisse disposer de plus de moyens en personnel et en équipement pour sa protection.

L'ancien conservateur Bofenda Batumba Nkoy (au centre) chez lui à Boende avec Pierre Kafando (à gauche) et Samy Matungila (à droite)