La forêt du Parc national de la Salonga fait l’objet d’un certain nombre de mythes qui méritent d’être explorés. Jetons un coup d’œil aux légendes sur un lac qui  semblerait abriter un esprit puissant et sur les populations de bonobos qui  vivent dans le parc.

L’oracle du Wetshi

Les mythes les plus populaires tournent autour du lac Kantotsha, qui se trouve au cœur du bloc sud-est du PNS. Tout d’abord, son aspect est vraiment étrange. Le lac a une forme presque circulaire et est entouré d’une forêt dense avec un sous-bois fermé. L’eau dont la couleur est d’un noir profond, vacille légèrement selon le mouvement des vents. Il n’y a pas de poissons dans le lac, seuls des crocodiles et des pythons peuvent être aperçus de temps en temps.

Selon les légendes locales, le lac abrite un esprit qui dévore les personnes au moindre contact avec ses eaux. Cet esprit est appelé « le Wetshi ». Les habitants de la région consultent l’esprit lorsqu’ils cherchent des réponses à des questions importantes. Si la réponse à la question posée est positive, l’eau bouge fortement, et les oiseaux se mettent à chanter et à voler autour du lac. Si, au contraire, la réponse est négative, le lac reste calme et les oiseaux se taisent.

Cependant, tout le monde n’est pas autorisé à consulter l’oracle de WETSHI. L’accès au lac est soumis à l’autorisation du clan Kantotsha, un clan du peuple Iyaelima, peuple qui vit encore dans les forêts les plus reculées du parc et encore fortement attaché à la culture et aux coutumes traditionnelles.  Selon les Iyaelima, à une époque fort lointaine, une femme et un homme du clan Kantotsha avaient disparu après être allés chasser dans la forêt. Plus tard, ils ont tous deux été retrouvés morts au bord du lac. Le lac a alors été nommé d’après ses premières victimes apparentes – deux personnes du clan Kantotsha. Jusqu’à ce jour, le pouvoir de consulter le lac Kantotsha appartient au clan seul et toute personne souhaitant demander l’aide de l’esprit doit payer des frais au grand chef des Iyaelima et des frais supplémentaires au clan Kantotsha. Des gens de toute la contrée viennent visiter le lac pour y effectuer des rituels traditionnels.

Les cérémonies ont lieu la nuit jusqu’aux premières heures du matin. Un membre du clan informe les ancêtres du but de la visite par des incantations et attend la réponse des esprits.  Il s’adresse à l’esprit en ces termes :

 

« Kantotsha, nous sommes tes enfants à tes pieds, nous venons pour telle ou telle question, nous te demandons de nous recevoir et de nous dire  la vérité sur telle ou telle question »

En 2019, une équipe de scientifiques du parc national de la Salonga s’est rendue aux abords du lac pour réaliser quelques activités de biosurveillance.  La mission était équipée de divers appareils pour enregistrer des données sur le lac, déterminer sa taille exacte, ses coordonnées ainsi que sa flore et sa faune. La mission n’a pas découvert de signe indiquant que le lac soit utilisé comme source d’eau potable par les animaux sauvages.

En outre, le lac n’a pas d’entrées ni de sorties reconnaissables qui indiqueraient que ses eaux sont régulièrement renouvelées. Curieusement, le lac ne montre aucun signe d’excès de nutriments, ce qui devrait normalement être le cas dans ces conditions. Le lac ne montre pas de signes d’excès de nutriments (tels que le phosphore et l’azote) dans l’eau, ni d’augmentation de la croissance incontrôlée des plantes aquatiques (en particulier du phytoplancton).

Fait étonnant : lorsque les scientifiques ont essayé de mesurer les coordonnées GPS à la surface de l’eau, leur équipement technique a refusé de fonctionner  et ils ont dû recommencer toute la procédure deux fois. On aurait pu croire que le Wetshi n’était pas favorable à l’enquête !

Les bonobos, ancêtres des hommes

Le Wetshi n’est pas le seul mythe que l’on entend sur les forêts du parc national de la Salonga. Des légendes entourent aussi d’autres habitants de la forêt, bien visible cependant: les bonobos. Les habitants de la région pensent qu’à à l’époque ancestrale les bonobos étaient en fait des humains. Ils auraient quitté les villages parce qu’ils devaient de l’argent et ils ont dû se cacher pour se protéger de la colère du prêteur. Depuis lors, ils vivent dans les forêts denses. Parfois, il semblerait que l’esprit humain des bonobos s’exprime d’une certaine manière. On raconte des histoires de personnes détresse dans les vastes forêts qui ont été secourues grâce l’aide d’un bonobo.

Les communautés ont transmis des histoires et des contes à leurs descendants pendant des générations. Certains rites traditionnels ont survécu jusqu’à ce jour. Les bonobos sont considérés comme des « ancêtres » ou des grands-parents. Encore une raison de protéger cette espèce extraordinaire, qui partage 98,7% de notre génome humain. Dans de nombreux villages situés dans l’habitat des bonobos, un tabou sur la chasse et la consommation de leur viande fait partie de la tradition locale. En conséquence, les populations de bonobos sont plus importantes autour des villages où la chasse aux bonobos est un tabou, ce qui est par exemple le cas pour les Iyaelima, où les bonobos se sentent en sécurité malgré la proximité des humains.

Les traditions et les mythes locaux contribuent ainsi à la protection de cette fascinante espèce de grands singes.

A bonobo standing on all fours on the forest floor.