Ma récente visite au Parc national de la Salonga en République démocratique du Congo a été une révélation — illustrant à quel point ses forêts et ses zones humides sont interconnectées, et combien les communautés locales dépendent de la richesse de ses eaux.
Le plus grand parc forestier tropical d’Afrique est un sanctuaire essentiel non seulement pour la faune terrestre, comme le paon du Congo, les éléphants de forêt, les bongos et les bonobos, ainsi que pour ses 430 espèces végétales connues (et bien d’autres encore à découvrir), mais aussi pour ses zones humides d’une diversité exceptionnelle. Ici, les rivières sinueuses, les vastes marécages et les tourbières jouent un rôle crucial dans l’équilibre et la santé de l’écosystème — soutenant une biodiversité extraordinaire et plus de 500 communautés locales vivant autour du parc.

Lors de mon voyage à Salonga, j’ai passé une grande partie de mon temps sur les rivières puissantes qui traversent et entourent le parc, visitant des villages isolés ainsi que des projets de conservation et de développement rural soutenus par le WWF dans la région. J’ai pu constater à quel point ces écosystèmes et leur biodiversité sont vitaux pour les populations locales.
La diversité y est remarquable. Prenons l’exemple des poissons. Lors d’enquêtes menées en 2006, 2007 et 2010, des chercheurs de l’Université de Kinshasa et du Musée américain d’histoire naturelle ont identifié 152 espèces de poissons appartenant à 24 familles dans les rivières autour de Salonga — une liste qui est probablement encore incomplète. Beaucoup de ces poissons sont essentiels pour la sécurité alimentaire des populations vivant autour du parc.
Les communautés locales, qui dépendent fortement des pêcheries d’eau douce pour leur subsistance, pratiquent la pêche artisanale. Les eaux sombres et acides des rivières sont pauvres en nutriments, ce qui signifie que les poissons se nourrissent principalement d’insectes, de graines et de fruits tombant dans l’eau. Les techniques de pêche varient selon la région : filets, hameçons et harpons sont couramment utilisés. La plupart des pêcheurs préfèrent les filets fixes aux filets traînants, ces derniers étant moins adaptés aux rivières de Salonga en raison des nombreux troncs d’arbres immergés.

Préparation d'un filet de pêche traditionnel.
Les techniques de conservation des poissons, comme le fumage, sont largement pratiquées, mais elles présentent des inconvénients, notamment une forte consommation de bois et une durée de conservation encore limitée. Le salage — une innovation relativement récente dans la région, principalement pratiquée par des commerçants de Kinshasa — offre une alternative plus durable.
Cependant, ce ne sont pas seulement les techniques de conservation qui ont évolué avec l’arrivée de pêcheurs extérieurs aux communautés locales. Ces pêcheurs, qui ciblent les poissons de la rivière Luilaka pour les vendre dans des villes comme Mbandaka et Kinshasa, menacent les espèces et les stocks halieutiques de Salonga en raison de la surpêche.
Un autre problème préoccupant est l’utilisation de produits toxiques par certains pêcheurs pour augmenter leurs captures. Cette pratique non seulement tue les espèces aquatiques, mais compromet également la santé de l’ensemble de l’écosystème. Pire encore, elle a directement affecté les populations locales : plusieurs cas de diarrhée généralisée ont été signalés, et en 2023, quatre femmes ont tragiquement perdu la vie après avoir bu de l’eau contaminée dans le village de Boinanguo.

Protéger Salonga signifie non seulement préserver ses forêts, mais aussi ses zones humides et ses cours d’eau, qui sont essentiels à la survie des communautés et de la faune.
En 2022, la communauté internationale s’est engagée à protéger 30 % des écosystèmes terrestres, d’eau douce et marins d’ici 2030 dans le cadre de l’objectif 30×30 du Cadre mondial pour la biodiversité. Cet engagement inclut la sauvegarde des zones humides essentielles, comme celles de Salonga, et la garantie d’une gestion durable pour qu’elles restent en bonne santé et continuent de nourrir les populations et la nature.
Par exemple, avec le soutien du WWF, des associations locales comme l’Union des Pêcheurs Professionnels de Monkoto adoptent des pratiques de pêche plus responsables. Récemment, un premier projet de guide de bonnes pratiques a été élaboré par les membres de l’Union, proposant de meilleures méthodes de gestion des stocks halieutiques. L’une des règles adoptées stipule qu’au cours de la saison de repos biologique (de mi-septembre à mi-décembre), les membres de l’Union se consacrent à leurs activités agricoles, laissant ainsi le temps aux ressources halieutiques de se reconstituer. Le WWF travaillera avec les autorités locales pour assurer la mise en œuvre et le suivi des mesures du guide, afin de garantir un avenir où les populations et les poissons pourront prospérer ensemble.
Mais protéger les marécages et forêts de Salonga, ce n’est pas seulement préserver la biodiversité et soutenir les communautés locales. Ces écosystèmes jouent un rôle crucial dans la stabilisation du climat, tant au niveau régional que mondial. Leur conservation contribue à l’atténuation du changement climatique et à un avenir plus durable pour la planète entière.
Les défis, cependant, sont immenses. Les villages autour du parc sont extrêmement difficiles d’accès : la plupart ne sont atteignables que par des trajets risqués en moto — réservés aux plus intrépides — ou bien uniquement à pied. Et bien sûr, par bateau. Les nombreuses rivières de Salonga permettent aux habitants de se déplacer et constituent la seule voie pour quitter la région. Il faut 3 à 4 jours en bateau pour atteindre Mbandaka, et environ le double pour arriver à Kinshasa.

Le transport fluvial est vital pour les communautés de la Salonga.
Le développement durable est donc crucial. L’écotourisme, bien qu’encore à ses débuts dans la région, offre une opportunité d’impliquer un public plus large et d’apporter des revenus indispensables aux communautés locales. Des micro-entreprises, comme des ateliers de couture ou des moulins à manioc et à maïs — mis en place avec le soutien du WWF — contribuent également à améliorer les moyens de subsistance tout en réduisant la pression sur les écosystèmes.
Mais notre détermination à protéger et gérer durablement la forêt, les rivières et les zones humides uniques de Salonga est aussi immense que les défis à relever. En travaillant de manière inclusive avec les communautés locales et en engageant les parties prenantes à tous les niveaux, nous voulons garantir que Salonga reste un point chaud de biodiversité et un puits de carbone d’importance mondiale, tout en devenant un modèle de développement durable.
Aux côtés de nos partenaires, nous espérons approfondir les questions liées à la pêche dans l’avenir, en trouvant un équilibre entre le bien-être des populations et la préservation des écosystèmes aquatiques de Salonga.
La version oriinale de ce blog peut être lue ici.

Des rivières et des zones humides sont essentielles pour les populations et la nature
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