Il est environ 12 heures et le petit avion à hélice émerge d’un groupe de nuages assez épais pour amorcer sa descente vers la piste de Monkoto. Un regard par le hublot révèle au sol l’immensité verte formée par les cimes des arbres s’étendant à perte de vue. Le spectacle de la végétation dense est saisissant. Un passager à bord n’en croit pas ses yeux. Comme il le confie lui-même : « je ne pouvais imaginer que le monde vu du ciel était si beau et que la forêt de la Salonga avait cet aspect inimaginable ».
La petite bourgade de Monkoto
La petite bourgade de Monkoto abrite le quartier général du Parc national de la Salonga. Monkoto dans la province de la Tshuapa est le chef-lieu de ce qu’on appelle en République démocratique du Congo un « territoire », c’est-à-dire une division administrative de niveau immédiatement inférieur à celui d’une province. Le territoire de Monkoto s’étend sur 36.000 km² et compte 390.000 habitants.
Monkoto est quasiment perdu au milieu de la mer verte de la forêt luxuriante et très isolé. Les seules sorties vers le monde extérieur sont la route qui mène vers Boende, le chef-lieu de la province situé à 225 kilomètres, distance qui se parcourt en 8 à 10 heures sur une piste en mauvais état, ou encore la rivière Luilaka qui permet d’atteindre Mbandaka, la ville importante la plus proche à 700 kilomètres en aval, en quatre jours au moins de navigation !
Liaison par avion
L’avion est donc incontournable pour acheminer rapidement vers le parc les personnes ou les équipements. Seul le matériel lourd est transporté par bateau. Sans les affrètements organisés environ deux fois le mois, le défi logistique pour surmonter l’isolement du parc serait encore plus difficile à relever.
L’avion petit porteur atteint le bout de la piste herbeuse. Son moteur ralentit et finit par s’arrêter. La présence de l’avion est toujours un spectacle pour les enfants des environs qui ne manquent jamais à chaque atterrissage pour admirer la machine volante venue du ciel. Les passagers qui débarquent de l’avion sont habituellement des agents du parc de retour de mission. Cependant aujourd’hui, un passager entouré par ses proches venus l’accueillir triomphalement constitue l’attraction principale.
Sans les affrètements organisés environ deux fois le mois, le défi logistique pour surmonter l’isolement serait encore plus difficile à relever.
Il s’appelle Joel Itombo, il a 24 ans, il est originaire du village de Iyongo, près de la station de Mondjoku, située dans le bloc nord du parc, à 50 kilomètres de Monkoto. En janvier 2018, à cause de problèmes de vision de plus en plus sévères, le médecin qu’il consulte diagnostique une grave affection des yeux qui non traitée, évoluait de manière inexorable vers la cécité complète. Seule une intervention chirurgicale en urgence dans un centre mieux équipé que le petit hôpital de Monkoto pourrait lui sauver la vue. Mais comment sortir rapidement de Monkoto ? Sa famille sollicite alors l’assistance de l’Unité de gestion du parc pour pouvoir le faire transporter vers Kinshasa.
Assistance aux populations
En effet, l’Unité de gestion du parc accepte de faciliter l’évacuation par avion des malades de la communauté locale, lorsque leur état ne peut être pris en charge par l’hôpital de Monkoto. Comme l’explique Pierre Kafando, Directeur du parc : « nous montrons ainsi à la population que le parc n’est pas étranger à la vie de la communauté. Nous sommes conscients du rôle social que joue le parc, c’est pourquoi nous apportons ce type d’assistance lorsque nos moyens le permettent. En 2017 nous avons aidé à évacuer plus de 60 malades gratuitement vers Kinshasa, ce qui représente l’équivalent de plus de six affrètements à 7000 dollars environ chacun ».
»En 2017 nous avons aidé à évacuer plus de 60 malades gratuitement vers Kinshasa, ce qui représente l’équivalent de plus de six affrètements à 7000 dollars environ chacun«
Quand il embarque à bord de l’avion affrété en ce mois de janvier, Joel ne voie déjà presque plus. Après avoir été opéré avec succès, il est de retour chez lui avec sa vue récupérée. Sans le programme de conservation, il lui aurait été très difficile de se rendre à la capitale pour bénéficier de soins appropriés. De son voyage en avion le survol de la vaste forêt de la Salonga l’a vraiment impressionné : « vous ne pouvez imaginer à quel point c’est beau ! ». Le récit de ces instants mémorables qu’il fera à ses proches durera certainement des soirées entières !