Agriculteurs de Dekese
Oxfam, partenaire du Parc National de la Salonga travaille avec les agriculteurs, les associations d’agriculteurs et les comités locaux de développement dans les alentours de la cité de Dekese au sud du parc. L’un des objectifs de cette action est d’augmenter le revenu des agriculteurs en les aidant à accéder à des marchés plus rentables. Après deux saisons culturales, Oxfam a affrété un bateau qui a permis de transporter 126 tonnes de manioc, de riz, d’arachides et autres cultures vers le marché de Kinshasa. 18 agriculteurs ont été choisis par leurs communautés pour faire partie de ce voyage. Voici ce qu’ils ont à nous dire à leur arrivée à Kinshasa.
Laurence Basa Nkoy, fermière et infirmière
Je suis mère de deux enfants. C’est la deuxième fois que j’arrive à Kinshasa. En plus de mes activités d’agriculture je suis aussi infirmière. Dans notre champ je sème surtout du maïs, de la courge, du niébé et du riz.
C’est une opportunité pour nous d’être ici. Avec les bénéfices perçus je voudrais acheter des médicaments pour mes enfants. Ici au port de Kinshasa nous nous entraidons, nous nous protégeons les uns les autres et nous surveillons les marchandises pour ne pas risquer de nous faire voler.
Nous avons passé deux semaines ensemble dans un bateau de taille moyenne transportant 126 tonnes de nos marchandises. Le voyage s’est bien passé mais nous espérons avoir un bateau plus grand la prochaine fois.
Grâce aux appuis reçus d’Oxfam, nous les agriculteurs travaillons maintenant avec un meilleur rendement ce qui nous permet d’obtenir davantage de revenus. Je vois déjà des changements au sein de notre ménage.
Le bateau venu de Dekese arrive au port de Kinshasa.
Banssango, Président du comité de vente, 45 ans
Nous avons fait un voyage de 15 jours en bateau pour atteindre Kinshasa. Avant de partir certain d’entre nous avaient quelques craintes. Au final tout s’est bien passé. Les moments les plus difficiles étaient les grandes pluies pendant le parcours. Je dois dire que depuis que nous sommes arrivés à Kinshasa, nos ventes nous font réaliser un bénéfice appréciable. Par exemple, ici nous vendons un grand sac de mais a 65 000 francs congolais alors que chez nous il se vendrait à 25 000 francs à peine. Auparavant nous ne connaissions pas les techniques de semences mais nous avons appris beaucoup grâce à Oxfam. Maintenant nous savons semer en ligne en écartant les semences. Nous avons appris comment bien étudier le milieu avant de planter et nous savons mieux reconnaître un sol fertile. Nous avons aussi appris la planification. Nous avons pris l’habitude de travailler en groupe et réalisons en une semaine un travail qui nous prendrait plus d’un mois si nous le faisions seuls. Avant, pour nourrir nos familles nous chassions les animaux tels que les antilopes, les gazelles, les pangolins ou les éléphants. Maintenant nous avons abandonné la chasse. Avec les bénéfices tiré de la vente de nos produis agricoles, nous comptons payer les frais scolaires de nos enfants et investir dans le petit commerce.
Un agriculteur de Dekese debarque ses produits agricoles au port de Kinshasa.
Cathérine Mbunga, présidente de l'association IDFKO
J’habite Kole et je suis la présidente de l’association IDFKO, l’initiative des femmes pour le développement de Kole que j’ai fondée en 2009. Notre groupe est composé de 20 femmes et 5 hommes et nous avons comme objectif de faire progresser le territoire dans lequel nous vivons.
Nous encourageons de plus en plus d’hommes à pratiquer l’agriculture et à laisser tomber la chasse. Avant beaucoup d’entre eux ne savait pas comment faire un champ.
Depuis que nous avons reçu des formations en nutrition, nous sensibilisons nos communautés pour la production et la consommation d’aliments équilibrés, nutritifs et énergétiques qui favorisent une bonne santé. Nous produisons davantage d’œufs, de fruits et de légumes.
Oxfam nous aide pour la commercialisation afin que les produits ne trainent pas en stock. Nous sommes très contents aujourd’hui de pouvoir faire évacuer tous ces produits à l’aide du bateau.
Nous aurions bien voulu évacuer nos stocks par camion vers d’autres villes du Kasaï mais les routes sont impraticables.
Petit à petit l’oiseau fait son nid. Nous apprenons beaucoup et nous pensons que nous trouverons encore davantage de solutions à l’avenir. Avec les bénéfices des ventes nous voulons construire un dépôt qui servira pour toutes les associations présentes dans le territoire. Nous espérons aussi construire des salles de réunion, des salles de formation et des écoles pour poursuivre notre projet d’alphabétisation.
Nous mobilisons la communauté toute entière pour abandonner complètement la chasse. Nous faisons du porte à porte pour informer sur la loi qui interdit de chasser les espèces protégées et sensibiliser sur les enjeux de la conservation de la nature.
Avec l'appui d'Oxfam, 126 tonnes de produits agricoles ont été transportées de Dekese vers Kinshasa.
La vente groupée de la production agricole aux marchés plus profitables de Kinshasa.
Lydie, agricultrice
J’ai 40 ans et je suis mère de 7 enfants. Je viens de Yassa, qui est à 35 km du centre-ville de Dekese, vers le sud. Mon mari est enseignant et moi j’ai toujours été paysanne. Je récolte du riz, du maïs, du manioc, du niébé. Dans le village d’où je viens je peux vendre un sac de riz à 20 000 francs et un sac de maïs à 25 000 francs. Ici nous les revendons au triple de ce prix. Avant de partir à Kinshasa j’avais quelques inquiétudes. D’abord c’est la première fois que je voyage par bateau et la première fois également que je vienne à Kinshasa. Ici tout est très différent de chez nous. Tous ces bateaux, les routes en goudron, les grands bâtiments ! Chaque matin ici au port nous nous levons à 7h (Note : la vente des produits qui se fait sur place au port prend quelques jours et les agriculteurs venus de l’intérieur du pays passent la nuit sur les lieux). Nous nous répartissons les tâches. Moi je m’occupe de surveiller les stocks. Avant nous cultivions en désordre. Grâce aux formations que nous avons reçu de Oxfam nous avons appris des nouvelles méthodes culturales, nous pratiquons l’écartement des semences. On s’est aussi habitué à travailler en équipes. Tout seul on se fatigue beaucoup. Nous économisons de l’argent pour le réinvestir à la fois dans les ménages et pour la communauté toute entière. Je compte bien garder ce qu’il faut pour investir dans la scolarisation des enfants. La chasse comporte beaucoup de risques. Nous avons perdu trop de vies humaines, surtout des jeunes gens. Parfois ils se retrouvent dans des règlements de compte et des bagarres armées. Au moins avec l’agriculture nous exerçons une activité rentable sans risquer nos vies. Nous voudrions investir dans un projet communautaire de forage pour accéder à l’eau potable et ainsi lutter contre les maladies hydriques. Dans la région nous avons souvent des cas de choléra. Les gens ont aussi l’habitude de recourir à l’automédication. Nous voudrions bien avoir une radio communautaire par laquelle nous pourrons transmettre des messages de sensibilisation.
L’activité est intense sur le port à Kinshasa. Grâce au revenu obtenu de la vente des récoltes les agriculteurs peuvent acheter des biens difficiles à sa procurer à la Salonga, tels que des objets de la vie courante comme des matelas ou des médicaments.