Publié à l’origine dans le numéro de printemps 2018 du magazine  « World Wildlife Magazine » de WWF-US : «Saving a Forest Stronghold»

Un soir de la mi-mai, Nana Imbile est assise sous le toit de chaume d’un pavillon sur un site de recherche situé à environ 45 minutes en bateau du quartier général du parc de la Salonga à Monkoto. Elle finit son repas enveloppé dans des feuilles de bananier et arrange la literie qu’elle partagera avec ses collègues éco-gardes à la tombée de la nuit. La forêt autour d’elle est traversée par les cris de singes et d’oiseaux. À l’aube, la patrouille d’Imbile s’enfoncera dans la forêt pour deux semaines.

Grâce aux nombreux cours d’eaux les patrouilles utilisent des pirogues pour atteindre leurs postes dans la forêt

Rassemblement des gardes au petit matin avant le départ en patrouille dans la forêt dense.

Patrouiller l’immensité du parc

Imbile est l’une des 16 femmes travaillant comme éco-garde à Salonga et l’une des huit femmes qui patrouillent dans le parc. Les éco-gardes patrouillent par groupes de 15, mais se divisent souvent en deux groupes pour couvrir plus de terrain. Ils suivent rarement les sentiers, en particulier dans les vastes zones marécageuses du parc où l’eau peut atteindre leur taille. En utilisant le GPS pour marquer les observations et les signes de présence d’animaux, ils gardent un œil sur les empreintes de pas et les petites branches cassées parfois par les braconniers, pour les aider à retracer leur chemin.

250 éco-gardes seulement surveillent des centaines de milliers d’hectares, avec un équipement insuffisant et presque aucune infrastructure de communication. Les nombreuses zones humides et forêts inondées du parc compliquent le problème de mobilité causé par le manque de routes et de pistes d’atterrissage. En revanche, les braconniers commerciaux utilisent des réseaux étendus et organisés pour acquérir des armes automatiques illégales, des munitions, des outils de communication et bien d’autres ressources qui leur donnent un net avantage sur Imbile et ses collègues.

La menace du braconnage

Ces braconniers qui représentent l’une des plus grandes menaces pour la Salonga et l’avenir de sa faune, ciblent les éléphants de forêt pour leur ivoire, ainsi que les espèces de «viande de brousse» telles que les antilopes, les buffles et les singes. En provenance de centres urbains situés à des centaines de kilomètres de là, les braconniers pénètrent dans le parc par les grandes rivières navigables. La viande de brousse atteint des marchés aussi éloignés que la capitale Kinshasa, à quelque 700 km au sud-ouest; L’ivoire entre dans le commerce international illégal d’espèces sauvages pour répondre à la demande d’autres pays, principalement en Asie.

Un tel braconnage à grande échelle n’a pas toujours fait partie de l’histoire de Salonga. Les limites du parc ont été officiellement définies par le gouvernement congolais en 1970, mais les habitants ont continué à chasser le gibier, rongeurs, antilopes, potamochères et autres animaux, pour se nourrir. Bien que techniquement illégale, cette pratique était sans conséquence par rapport au braconnage commercial à grande échelle des éléphants qui a fortement augmenté dans les années 1980 avec la montée en flèche des prix internationaux de l’ivoire. L’activité criminelle au cours de ces années là a tellement dévasté certaines populations de faune que la Salonga a été placée en 1999 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en danger. Plus récemment, la demande asiatique a entraîné une recrudescence du commerce illégal de l’ivoire et l’arrivée d’une deuxième vague de criminels lourdement armés jouissant d’un approvisionnement presque infini de munitions.

Patrouille d'éco-gardes de la Salonga en progression dans la forêt. Nana est l’une des 16 femmes que comptent les effectifs des éco-gardes

Renforcer les moyens

Imbile, par exemple, est très consciente de ce que les ressources insuffisantes signifient pour elle et la faune qu’elle protège.

« Il y a des animaux qui vont disparaître », dit-elle en secouant la tête. Le soleil est presque couché maintenant, des  paillettes de strass brillent du foulard qu’elle porte sous son chapeau d’uniforme réglementaire. « À moins que nous ne travaillions bien, les braconniers décimeront les animaux. »

L’augmentation du nombre de gardes forestiers est cruciale pour la sécurisation des limites, et le WWF et l’ICCN visent à presque doubler le nombre de d’éco-gardes d’ici cinq ans.

»À moins que nous ne travaillions bien, les braconniers décimeront les animaux.«
Imbile, Écoguarde

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